Complications ano-rectales et coliques
des suppositoires et des lavements
Les suppositoires et les lavements sont connus depuis longtemps et largement utilisés en thérapeutique. Cette forme galénique permet une action locale ano-rectale aussi bien que systémique. Elle a pou avantage de faciliter la prise médicamenteuse en cas de nausées ou de vomissements ou de goût désagréable. Elle évite l’effet de premier passage hépatique et l’inactivation par les sécrétions gastro-intestinales.
On a longtemps considéré cette voie d’administration comme anodine et inoffensive. Pourtant, les suppositoires et les lavements peuvent avoir des effets indésirables au niveau de l’anus, du rectum ou du côlon, rarement accompagnés d’effets indésirables systémiques. La fréquence de ces complications locales est probablement sous-estimée et certaines d’entre elles peuvent être graves. Une meilleure connaissance de ces lésions ano-recto-coliques permettrait de les prévenir. Cette mise au point a pour but de définir les aspects cliniques, endoscopiques et histologiques, sur traitement et leur physiopathologie.
Nous avons exclu les ano-rectites et les colites secondaires à l’absorption de glutaraldéhyde, d’antibiotiques, d’antimitotiques ou de laxatifs, les effets secondaires cutanés péri-anaux de pommades à base de corticoïdes, anesthésiques locaux, antibiotiques, antihistaminiques ou ammoniums quaternaires et les complications des lavements radio-opaques.
EFFETS INDESIRABLES ET COMPLICATIONS DES SUPPOSITOIRES
Ces effets indésirables sont le plus souvent liés à une utilisation abusive et prolongée par des patients au psychisme particulier.
Le terrain habituel est celui d’une femme de la cinquantaine, neurodystonique ou dépressive. Une toxicomanie liée à une pharmacodépendance s’installe vis-à-vis de certains constituants des suppositoires. Ceci se traduit par une utilisation excessive des suppositoires et parla difficulté de les arrêter malgré avis médical. La plupart des lésions ano-recto-coliques des suppositoires ont été décrites pour des posologies excessives et prolongées dépassant plusieurs années, avec des délais d’apparition variables.
Aspects cliniques et endoscopiques.
Les signes fonctionnels d’appel ne sont pas spécifiques : brûlures anales, suintement, prurit, douleurs de type fissuraire, ténesme, épreintes, faux besoins, émission de sang et de glaires. Ils varient selon la durée d’évolution et l’extension des lésions. L’utilisation prolongée des suppositoires explique l’évolution sur un mode subaigu ou chronique.
A l’examen, on note des ulcérations, de taille et de profondeur variables, au niveau de la marge ou du canal anal, souvent étendues à la face antérieure du rectum ; ces pertes de substance peuvent être délabrantes et compromettre la fonction sphinctérienne. On peut aussi observer des sténoses anales et/ou rectales, inflammatoires ou fibreuses, transitoires ou définitives ainsi que des fistules recto-vaginales. L’endoscopie élimine des lésions d’amont. Des prélèvements bactériologiques, virologiques et parasitologiques éliminent une cause infectieuse. L’intérêt de la tomodensitométrie pelvienne et de l’endosonographie reste à démontrer en dehors du mérite d’éliminer une compression extrinsèque en cas de sténose.
Aspects histologiques.
L’histologie n’est pas spécifique, mais permet d’éliminer le diagnostic de carcinome. L’inflammation non spécifique réalise des ulcérations plus ou moins profondes, à fond fibrino-leucocytaire, infiltrant le tissu conjonctif de cellules polymorphes, sans hyperplasie de la muscularis mucosae, ni granulome.
Des ulcérations chroniques, profondes, oblitérant la lamina propria par une prolifération fibromusculaire, évocatrices du syndrome de l’ulcère solitaire du rectum, ont été rapportées après prise d’acide acétylsalicylique, de paracétamol, et surtout d’ergotamine.
L’ergotamine induirait des lésions plus spécifiques de vascularite oblitérante et nécrosante par épaississement et infiltration paritétale de petites cellules.
Diagnostic différentiel.
Il faut éliminer par l’histologie les tumeurs anales ou rectales, un syndrome de l’ulcère solitaire, les rectites inflammatoires, en particulier crohniennes, mais aussi infectieuses. Il est plus facile d’écarter les séquelles chirurgicales, les lésions radiques ou ischémiques, l’endométriose, les compressions extrinsèques d’origine tumorale ou les traumatismes (thermomètre, endoscope, rapport sexuel, empalement, accident de la voie publique) dont les circonstances de survenue sont plus univoques.
Evolution et traitement.
Le traitement impose toujours l’arrêt de la prise du suppositoire. La cicatrisation sans séquelle ou discrètement sténosante est la règle dans la plupart des cas. Le recours à une corticothérapie locale dans le but d’accélérer la guérison et un soutien psychologique en raison du terrain particulier ont été proposés. Le risque de sténose secondaire ou de récidive, lié à une reprise le plus souvent non avouée des suppositoires, incite à une surveillance prolongée.
Le traitement des sténoses symptomatiques ne fait pas l’objet d’un consensus : destruction au laser, dilation (doigt, bougie, ballonnet), anoplastie, résection limitée des lésions, excision rectale avec anastomose colo-anale avec ou sans colostomie temporaire. Une amputation abdomino-périnéale a du être proposée dans quelques cas. Le traitement des fistules recto-vaginales semble difficile et n’est pas codifié.
Le traitement doit être préventif en évitant l’utilisation de suppositoires dans les syndromes douloureux chroniques. Pour le Diantalvic, la posologie maximale conseillée par le dictionnaire Vidal est de deux suppositoires par jour pendant dix jours. La durée du traitement est limitée pour Gynergène à un maximum de trois par jour et de cinq par semaine. On peut recommander cette règle pour les autres suppositoires.
Molécules impliquées.
Di-Antalvic (dextropropoxyphène et paracétamol) – C’est le suppositoire le plus mis en cause : au moins 46 cas ont été publiés depuis 1982, sous-estimant probablement le nombre réel d’observations. Le changement d’excipient pour le Suppocire AIML et la modification de la posologie unitaire (60mg de dextropropoxyphène au lieu de 150mg et 800mg de paracétamol au lieu de 450mg) expliquent peut-être l’absence de nouveaux cas dans la littérature depuis 1992.
Véganine (acide salicylique, phosphate de codéine et paracétamol) et Perdolan (acide salicylique, phosphate de codéine, carbromal, bromisoval et paracétamol) – Depuis 1983, au moins 36 observations ont été rapportées avec la Véganine en France et le Perdolan en Belgique (non commercialisé en France).
Ergotamine – Depuis 1980, au moins 35 cas ont été rapportés mais curieusement, aucun cas concernant le Gynergène n’a été publié en France.
Anti-inflammatoires non stéroïdiens – Les cas bien documentés de lésions dues à ces molécules sont rares en dépit de leur large utilisation. Des effets secondaires mineurs, à type d’irritation rectale avec douleurs et diarrhée, ont été imputés à l’indométacine, le naproxène et l’acide méfénamique. Plus spécifiques de l’atteinte liée aux anti-inflammatoires non stéroïdiens, des rectites érosives ou ulcérées à tendance hémorragique ont été rapportées pour l’indométacine, la phénylbutazone et le diclofénac. L’indométacine serait responsable de sténoses ano-rectales ou de fistules recto-vaginales.
Autres molécules – Anecdotiques ou discutables sont les lésions ano-rectales du Propofan (dextropropoxyphène, paracétamol et acétylsalicylate de calcium urée), attribuées à un lot périmé (information médicale non publiée par le laboratoire Merrell Dow), du Salofalk (acide 5-aminosalicylique), du chloramphénicol, du bisacodyl, de la glafénine, de la phénacétine, de l’aminophylline, de l’amidopyrine, de la glycérine, des sels biliaires et des suppositoires anti-grippaux à base de camphre, d’essence de myrte, d’essence d’eucalyptus, de thiophène carboxylate de sodium ou d’essences basalmiques : eucalyptol, gaïacol, pholcodine.
Aspects physiopathologiques.
L’agression de la muqueuse est le fait de la toxicité directe des molécules contenues dans les suppositoires. Pour le Diantalvic, le dextropropoxyphène de pH acide est responsable d’un effet irritatif local comme cela a été décrit aux points d’injection chez des toxicomanes. Un mécanisme allergique a aussi été évoqué. Son analogie structurale à la méthadone expliquerait la dépendance à l’origine de l’augmentation des doses. Le rôle du paracétamol, bien que contenu dans les suppositoires de Perdolan, de Véganine et de Propofan, a été écarté du fait de sa présence dans de nombreux autres suppositoires non toxiques. Par contre, l’acide acétylsalicylique de la Véganine et du Perdolan a été mis en cause en raison de sa toxicité ano-rectale décrite après prise orale, et en raison de son action irritative directe sur la muqueuse rectale après administration locale comme cela a été rapporté chez l’animal et chez l’homme. L’explication serait le fait d’un blocage enzymatique de la cyclo-oxygénase et de la lipo-oxygénase du métabolisme et l’acide arachidonique, entraînant une destruction de la barrière muqueuse ano-rectale par déplétion en prostaglandines. Le carbromal et le bromisoval seulement contenus dans le Perdolan, et la codéine favoriseraient par leur action morphinomimétique une certaine dépendance. L’ergotamine induit des lésions ischémiques par un effet vasoconstricteur local. La répétition des migraines à l’arrêt de l’ergotamine explique son usage abusif. La toxicité locale des anti-inflammatoires non stéroïdiens est, comme pour l’acide acétylsalicylique, liée à l’inhibition de la production des prostaglandines. La gravité des lésions : érosions, puis ulcération, puis sténose serait dose-dépendante.
Les excipients auraient aussi une responsabilité dans la survenue des lésions. En effet, des glycérides semi-synthétiques en particulier le Witepsol H15 et W35 et le Witepsol H12 du Di-Antalvic, et le beurre de cacao surchauffé ou rance ont peut-être induit des exulcérations ano-rectales le plus souvent asymptomatiques.
Enfin, le traumatisme de face antérieure du rectum, lié à l’introduction itérative et abusive des suppositoires, peut jouer un rôle dans la survenue de ces lésions.
Conclusion.
Les effets secondaires à l’administration de suppositoires (Di-Antalvic, Véganine et Perdolan, l’ergotamine et anti-inflammatoires non stéroïdiens) sont probablement sous-estimés bien que parfois graves. Ils intéressent surtout l’anus et le rectum et sont exceptionnellement systémiques. La symptomatologie d’appel, la présentation clinique, les aspects endoscopique et histologique de ces lésions plutôt chroniques ne sont pas spécifiques. Les examens complémentaires doivent éliminer un cancer, un syndrome de l’ulcère solitaire et une maladie de Crohn. Le terrain psychologique et la notion d’une prise abusive de suppositoires orientent le diagnostic. La physiopathologie de ces lésions est multifactorielle, toxique, allergique et traumatique. En plus de l’arrêt des suppositoires qui permet le plus souvent la régression les lésions, une prise en charge spécifique peut être nécessaire en cas de sténose ou de fistule recto-vaginale, pouvant aller jusqu’à l’amputation abdomino-périnéale. La prévention est essentielle en déconseillant l’utilisation au long cours des suppositoires.
EFFETS INDESIRABLES ET COMPLICATIONS DES LAVEMENTS
Les lésions des lavements sont plus diversifiées que celles des suppositoires en ce qui concerne le terrain et les circonstances de survenue. Elles ont en effet été rapportées pour des lavements thérapeutiques aussi bien que rituels ou accidentels. Le terrain psychologique des patients n’a donc aucune particularité.
Aspects cliniques et endoscopiques.
Contrairement à celle induite par les suppositoires, la symptomatologie d’appel évolue le plus souvent sur un mode aigu et bruyant en raison de la prédominance de l’atteinte rectale pouvant concerner aussi le côlon, alors que le canal anal est plus rarement intéressé. Comme pour les suppositoires, les effets secondaires systémiques, en dehors des signes péritonéaux, sont rares. Le syndrome rectal avec émissions glairo-sanglantes est fréquent. En cas d’atteinte colique, il peut y avoir irritation péritonéale avec douleurs abdominales, fièvre, défense voire contracture en cas de perforation.
Les lésions endoscopiques prédominent au niveau rectal et peuvent s’étendre en amont en s’atténuant progressivement. La muqueuse est congestive, fragile, hémorragique, érodée ou ulcérée, voire nécrotique. Les lavements d’eau oxygénée donnent un aspect caractéristique avec des îlots de couleur blanc neige parsemés sur la muqueuse.
Le traumatisme des lavements, après administration inadéquate, rend compte des déchirures du canal anal et de la paroi rectale antérieure, des perforations, des fistules recto-vaginales et des gangrènes ano-périnéales.
Aspects histologiques.
Comme pour les lésions liées aux suppositoires, l’histologie n’est pas univoque mais permet de discuter les diagnostics différentiels. L’inflammation n’est pas spécifique : l’épithélium est abrasé, avec présence de polynucléaires dans la lamina propria et des vaisseaux dilatés et congestifs, voire nécrosé dans les cas les plus sévères.
Les altérations dues au Normacol sont proches de celles de la rectocolite ulcéro-hémorragique (cellules glandulaires dépourvues de mucus, fragilité de la muqueuse, œdème de la lamina propria) mais s’en différencient par un aspect rectiligne de la membrane basale. De plus, des anomalies de la prolifération cellulaire, étudiée par incorporation in vitro de la thymidine tritiée dans des biopsies rectales et par analyse autoradiographique des noyaux glandulaires, ainsi qu’une vacuolisation de l’épithélium superficiel ont été mises en évidence chez des volontaires sains dont la muqueuse avait un aspect endoscopique normal après administration de Normacol. En ce qui concerne les lésions secondaires au Kayexalate, l’aspect histologique est celui d’une nécrose transmurale avec présence de cristaux de polystyrène sulfonate de sodium dans la muqueuse. Après administration d’eau oxygénée, l’infiltration de la muqueuse par des polynucléaires neutrophiles, l’œdème de la lamina propria et de la sous-muqueuse et la présence de vaisseaux thrombosés peuvent évoquer les lésions d’origine ischémique.
La coloscopie totale avec iléoscopie et biopsies et des prélèvements bactériologiques permettent d’écarter les autres diagnostics possibles : surtout la rectocolite ulcéro-hémorragique et la maladie de Crohn ainsi que les lésions d’origine infectieuse ou ischémique.
Evolution et traitement.
Après arrêt des lavements, les lésions cicatrisent le plus souvent sans séquelles en quelques semaines, rarement plusieurs mois. L’administration de lavements de corticoïdes pourrait accélérer la cicatrisation et empêcher la survenue de sténose.
Il est rarement nécessaire de recourir au traitement chirurgical pour les sténoses persistantes. Les atteintes recto-coliques peuvent évoluer vers la nécrose et la perforation, nécessitant la prise d’antibiotiques voire une résection chirurgicale. La gravité des lésions peut conduire au décès.
Les déchirures traumatiques du canal anal et de la paroi rectale antérieure nécessitent un traitement rapide afin d’éviter la survenue d’une perforation rectale ou d’une gangrène ano-périnéale. Il repose sur une antibiothérapie, la mise à plat chirurgicale et la dérivation colique parfois définitive mais n’évite pas toujours le décès. L’administration précoce de corticoïdes intraveineux pour prévenir la nécrose a été proposée en cas de lavements traumatiques de phosphate hypertonique.
De même, le traitement de ces lésions iatrogènes doit être préventif en tenant compte de la concentration des produits administrés et du mode d’administration. En particulier, l’administration lente de lavements contenant un litre d’eau avec au moins 10cc d’eau oxygénée à 3%, chez 300 patients consécutifs, n’a été suivie d’aucun effet indésirable. Les lésions traumatiques peuvent être évitées par l’emploi d’une canule courte, souple, à extrémité conique et bien lubrifiée, introduite prudemment chez un patient en décubitus latéral.
Molécules impliquées.
Normal (phosphate sodique hypertonique) – Les lésions muqueuses, après administration de Normacol, sont d’expression clinique et de gravité variables : anomalies microscopiques, érythème muqueux, perforations rectales et gangrènes ano-périnéales.
Kayexalate (polystyrène sulfonate de sodium et sorbitol) – Trois colites survenues dans les suites d’une greffe rénale, après administration préalable de lavements de polystyrène sulfonate de sodium et sorbitol pour hyperkaliémie, ont été signalées en 1973. Depuis, 7 nouveaux cas ont été attribués à l’administration de ces lavements chez des insuffisants rénaux chroniques en hyperkaliémie, dont 4 après greffe rénale.
Eau oxygénée – Bien que l’administration de lavements d’eau oxygénée ait été préconisée depuis longtemps pour le traitement de fécalomes, son effet caustique, décrit pour la première fois en 1951 n’a été confirmé que plus récemment (au moins 11 cas de rectites). Il faut mentionner également 27 cas de rectites attribués à l’eau oxygénée utilisée pour la désinfection de coloscopes : celle-ci, présente dans les canaux de l’appareil après nettoyage, aurait été projetée sur la muqueuse rectale lors de l’insufflation en début d’examen.
Savon – Les lavements savonneux, utilisés dans un but laxatif, sont à l’origine de lésions muqueuses de fréquence difficile à évaluer. Des rectites et des colites congestives ont été attribuées à la concentration excessive du savon dans le lavement ainsi que des perforations rectales et des gangrènes d’origine traumatique.
Lavements rituels – Etudiés surtout en Afrique du Sud où leur utilisation est très répandue à des fins rituelle ou médicinale, leur composition est variable, comportant des mélanges de vinaigre, savons, caustiques divers, dichromate ou permanganate de potassium, sulfate de cuivre, chloroxylénol, sucre brun, piments et herbes médicinales diverses. Les tableaux cliniques induits sont variés et souvent très sévères (au moins 37 cas).
Autres molécules – Des effets indésirables anecdotiques ont été mentionnés après administration thérapeutique ou accidentelle de lavements de bisacodyl, de chlorure de sodium hypertonique, de paraffine, de sulfalazine, d’acétate de cortisone, de mercure, d’acide sulfurique, de soude caustique, de bisulfate de sodium, d’alcool à 90%, de formaline et de détergents divers.
L’administration de lavements bouillants à des nourrissons aurait entraîné des rectites peu documentées dans deux revues générales.
Aspects physiopathologiques.
Les lésions muqueuses liées à la toxicité directe des lavements atteignent la paroi recto-colique plus ou moins profondément. Pour le Normacol, elles semblent liées au phosphate sodique hypertonique. Pour le Kayexalate, les lésions muqueuses, reproduites expérimentalement chez le rat, sont attribuées au sorbitol. La physiopathologie de la toxicité de l’eau oxygénée est discutée. Elle pourrait être le fait de réactions locales caustiques d’oxydation ou d’une ischémie secondaire à la désorganisation des tissus muqueux et sous-muqueux infiltrés par des gaz comme cela a été démontré expérimentalement chez le rat. Dans un cas , l’instillation d’eau oxygénée au travers d’une sonde de Foley a induit une perforation, par libération d’oxygène, ayant entraîné une hypertension intra colique. Pour les savons, la gravité de la toxicité muqueuse, attribuée à la présence de bases fortes, de potasse et de phénol, semble varier selon la concentration des lavements, leur nombre d’administrations, leur durée de rétention et de contact avec la muqueuse recto-colique et la fragilité préexistante de la paroi. Quant aux lavements rituels, la toxicité dépend de leurs différents composants.
Les lésions traumatiques du canal anal et de la paroi rectale antérieure par la canule ont été attribuées à l’injection sous-muqueuse du lavement, créant une nécrose et une surinfection secondaire de la paroi. Il faut souligner la gravité potentielle de ces lésions largement rapportées (au moins 75 cas).
Conclusion.
Il est difficile d’estimer la fréquence exacte des lésions secondaires à l’administration de lavements (Normacol, Kayexalate, eau oxygénée, savons et lavements rituels), moins étudiées que celles des suppositoires. D’évolution plutôt aiguë et prédominant au niveau du rectum, elles peuvent cependant atteindre la muqueuse colique modifiant alors la symptomatologie en particulier en cas d’irritation péritonéale. En dehors de quelques cas particuliers, les aspects endoscopique et histologique ne sont pas spécifiques, les examens complémentaires permettant d’éliminer les diagnostics différentiels. La physiopathologie de ces lésions recto-coliques est due à la toxicité muqueuse directe des composants administrés et au traumatise de l’introduction fâcheuse de la canule dans la paroi rectale antérieure, à l’origine de perforations et de gangrènes parfois mortelles. L’arrêt de l’administration des lavements permet en général la cicatrisation des lésions. Dans les cas graves, l’amputation est essentielle et repose sur l’administration non traumatique de lavements à concentrations non toxiques.