FISSURE ANALE

PHYSIOPATHOLOGIE, DIAGNOSTIC ET TRAITEMENT

 

La fissure anale est une affection fréquente, dont la physiopathologie est encore controversée. Son diagnostic clinique est aisé mais impose d'éliminer les fissurations et ulcérations spécifiques de l'anus. Le traitement curatif, variable dans ses modalités, est chirurgical et s'attache à réduite les fibres du sphincter anal interne.

PHYSIOPATHOLOGIE

La fissure anale, contrairement aux fissurations ou ulcérations anales, n'a pas d'étiologie spécifique démontrée. Plusieurs facteurs étiopathogéniques ont été proposés, n'expliquant qu'imparfaitement cette affection :

L'observation clinique et les explorations manométriques ont confirmé l'hypertonie du canal anal chez les sujets atteints de fissure. Celle-ci serait la conséquence d'anomalies du tonus sphinctérien lisse (responsable de 80% de la pression basale intracanalaire), hypertonie basale ou au décours du réflexe recto anal inhibiteur (overshoot). Le rôle des anomalies histologiques de ce sphincter à type de fibrose, rapportées lors des fissures anales reste à préciser. Des travaux plaident pour le caractère primitif de cette hypertonie malgré certaines objections ; la réduction de celle-ci est à la base des traitements chirurgicaux efficaces.

DIAGNOSTIC

Type de description : la fissure anale hyperalgique postérieure aiguë non compliquée.

Isolée ou associée à d'autres signes, la douleur représente le maître symptôme.

  1. La douleur : hyperalgique, elle peut motiver la consultation en urgence. Caractéristique par son horaire, elle constitue le syndrome fissuraire.
  2. Les rectorragie (ou "anorragies") : Classiquement, traces de sang sur le papier, elles peuvent toutefois motiver la consultation. Comme tout saignement extériorisé par voie basse elles impliquent la réalisation d'un examen proctologique complet comprenant anuscopie et rectoscopie. La vérification, par coloscopie, de l'intégrité du côlon sus-jacent doit être effectuée au moindre doute.
  3. Le prurit anal : il est souvent associé en dehors des épisodes hyperalgiques. Les lésions de grattage et la fissure peuvent être responsables de suintements.
  4. Rarement l'examen proctologique systématique retrouve la cicatrice d'une fissure anale ignorée d'un patient mais l'exposant à une récidive.

Il nécessite un interrogatoire précis suivi d'un examen proctologique patient, en position génu pectorale, comportant l'inspection de la marge, du canal anal et du rectum.

Clinique

Il repose sur la triade classique, à l'origine de son autonomie nosologique : douleur anale - contracture anale - ulcération commissurale ou fissure anale proprement dite.

  1. La douleur anale : l'interrogatoire retrouve le syndrome fissuraire. C'est une brûlure déclenchée par le passage de la selle avec courte rémission douloureuse post-défécation et réapparition secondaire des algies dans les heures suivant l'exonération. Ces douleurs très intenses obligent le malade à retenir, voire décales ses selles. La douleur est bien située par le malade. Devant une douleur atypique, l'effleurement du fond de la fissure par un coton reproduit l'algie caractéristique.
  2. La contracture anale : d'intensité variable, elle est la conséquence visible et palpable du spasme sphinctérien. Très intense, elle gêne le déplissement minutieux de tous les plis marginaux, permettant de montrer la déchirure triangulaire, à bords plus ou moins nets selon le stade évolutif, située au pôle postérieur à la partie inférieure du canal anal ; son sommet n'atteint pas la ligne pectinée. Une anesthésie sphinctérienne est souvent nécessaire pour la vaincre. Aucune goutte de pus n'est observée.
  3. La fissure anale : unique, elle est représentée par une ulcération triangulaire avec dans les formes chroniques une marisque externe sentinelle ou "capuchon". Une fistule anale trans-sphinctérienne inférieure associée est éliminée.

Le toucher anal puis rectal doit être avec douceur compte-tenu du renforcement de la contracture à la moindre pénétration. L'anesthésie intrasphinctérienne par injections de xylocaïne adrénalinisée à 1 ou 0.5p. 100 en quatre points est souvent nécessaire à un examen complet. Il élimine une papille hypertrophique sus-jacente et surtout un abcès intersphinctérien ou intra-mural associé.

L'anuscopie, le plus souvent réalisée avec un modèle pédiatrique, vérifie l'"intégrité de la ligne péctinée et élimine une pathologie rectale concomitante (rectite associé).

La rectoscopie confirme la normalité du rectum sus-jacent.

La normalité des aires ganglionnaires inguinales est vérifiée.

Anatomopathologie

Tout pièce de fissurectomie doit être analysée. L'histologie constate un épithélium stratifié limitant les bords de la fissure. Le fond de l'ulcération est formé par un tissu de granulation comprenant des infiltrats leucocytaires associant polynucléaires et lymphocytes dans le chorion et autour de l'ulcération. Des fibres de collagène se développent sur le bord et le fond des fissures chroniques.

Le plus souvent des signes indirects sont rapportés, la fissure étant, elle, optiquement vide.

Diagnostic différentiel.

Il revient à évoquer les différentes causes d'ulcérations anales secondaires, d'étiologie spécifique, à masque fissuraire.

Le contexte d'homosexualité est la plus souvent retrouvé. La recherche de tréponèmes (étude après grattage, sur fond noir à l'ultramiscroscope) et des sérologies habituelles (TPHA, VDRL et test de Nelson) confirment le diagnostic.

Formes cliniques

.Formes topographiques

.Formes compliquées

.Formes post-opératoires

.Formes associée aux hémorroïdes

Fréquente, à rechercher systématiquement lors de volumineuses hémorroïdes car pouvant modifier la technique d'hémorroïdectomie.

.Formes selon le terrain

Une constipation est associée aux saignements anaux souvent révélateurs. Les algies sont modestes, le siège antérieur classique et la contracture anale rare. Le traitement se veut résolument médical (cicatrisants locaux, mucilages, huile de paraffine).

Fréquemment antérieure ou bipolaire, sa survenue est souvent contemporaine d'une constipation, d'hémorroïdes ou d'événements obstétricaux. Toute léïomyotomie doit être réfléchie afin de ne pas décompenser un périnée descendant.

Rare, elle impose d'éliminer un carcinome épidermoïde dans sa forme fissuraire. L'automédication par application de corticoïdes au long cours favorise sa persistance. L'absence d'hypertonie manifeste impose la réalisation d'une manométrie ano-rectale avant tout sacrifice sphinctérien pouvant démasquer une incontinence anale compensée.

Elle doit être différenciée des autres ulcérations anales fréquentes sur ce terrain ; une cause traumatique doit être suspectée.

Le statut du patient vis à vis du virus HIV facilite l'enquête étiologique. Les prélèvements et leur exérèse pour examen histologique permettent d'évoquer une étiologie virale (CMV, Herpès,...), parasitaire ou néoplasique nécessitant un traitement spécifique. L'association de plusieurs agents pathogènes est de règles. Chez le parient sidéen , l'intervention, souvent nécessaire du fait de la douleur, s'attachera à un sacrifice sphinctérien lisse minimum préservant la continence compte-rendu du retard de cicatrisation et des diarrhées habituelles sur un tel terrain.

TRAITEMENT

Le traitement curatif anale postérieure idiopathique reste chirurgical. Un traitement médical peut toutefois apporter une amélioration généralement temporaire.

Méthodes

.traitement médical

Il a deux inconvénients : la récidive et l'absence d'histologie.

Il associe : les topiques locaux dans un but anesthésiques (Quotane, Xylocaïne), ou cicatrisant (Titanoréine, Mitosyl,) d'efficacité souvent médiocre, la lutte contre la constipation par absorption d'huile de paraffine ou mucilages ; le stress souvent présent impose la mise sous anxiolytique (Librax, Lexomil). L'injection traçante sous fissuraire de Quinine-urée tire son intérêt d'une efficacité indéniable et de sa réalisation possible dès la première consultation. Une anesthésie à la lidocaïne sous fissuraire préalable est de règle avant l'injection de 1.5 à1 ml du produit juste dans la fissure. Outre la récidive, deux autres complications ont été attribuées à cette méthode : l'abcès et la transformation de la fissure en une ulcération atone n'ayant aucune tendance à la guérison. Le recours à la chirurgie devient alors nécessaire.

.Traitement chirurgical

Manuel, il est représenté par la dilatation anale digitale. Certains lui gardent un crédit ; toutefois son caractère approximatif et parfois excessif l'ont tenu pour responsable de certaines incontinences anales. L'examen histologique de la fissure n'est pas réalisable.

Instrumental, il regroupe 3 méthodes d'indications différentes.

La léiomyotomie latérale.

Elle n'aborde pas directement la fissure et ne permet pas d'étude histologique. Cette intervention élégante peut être réalisée durant une courte hospitalisation voire en ambulatoire par un proctologue entraîné. Elle consiste pour les sphinctérotomies à ciel ouvert après anesthésie locale à réaliser une incision radiée latérale gauche, repérer le sphincter interne puis sectionner ses fibres inférieures. Les douleurs et soins post-opératoire n'est alors indiqué.

La fissurectomie avec léiomyotomie postérieure et anoplastie.

Préconisée par Parnaud (10), elle ôte la fissure et permet son examen histologique, réduit l'hyperpression du canal anal et apporte du tissu sain pour améliorer la souplesse et la cicatrisation anale.

La résection diathermique

Elle consiste en une fissurectomie avec confection, au bistouri électrique, d'une raquette de drainage cutanée externe puis léiomyotomie postérieure dans la plaie.

Indications

. Traitement médical

Il impose d'avoir éliminé une fissure secondaire. Son indication est la fissure jeune, non compliquée, chez un patient refusant l'intervention.

.Traitement chirurgical

C'est le seul traitement curatif à long terme.

. La dilatation anale, pour certains, et la léimyotomie latérale doivent être réservées aux formes hyper algiques, sans doute histologique.

. Modalités de la fissurectomie.

Fissure postérieure

Léimyotomie latérale : fissure jeune hyper algique non compliquée.

Fissurectomie, léimyotomie, anoplastie postérieure : fissure chronique isolée ou associée à une papille hypertrophique ou des hémorroïdes (grade III, IV) justifiant une exérèse réglée.

Résection diathermique : fissure infectée ou associée à une fistule voire un abcès intra mural.

Fissure antérieure

. isolée : léimyotomie latérale simple (fissure jeune) ou associée à une fissurectomie ou bistouri électrique (fssure chronique).

. Associée à des hémorroïdes : hémorroidectomie réglée emportant la fissure avec léïomyotomie dans la plaie de 3 heures ou anoplastie postérieure. En aucun cas une anoplastie antérieure ne doit être réalisée.

La réalisation correcte des soins post-opératoires durant 4 à 6 semaines est une condition nécessaire à la guérison. Ils consistent en des bains de siège et un toucher rectal bi-quotidien dès la première selle. Seule une cicatrisation dirigée évitera les guérisons imparfaites sources de récidive.